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Situation du Pic cendré (Picus canus) Gmelin, 1788 dans le nord ouest de la France

  • Espèce protégée
  • Inscrite à l’annexe 1 de la Directive Oiseaux
  • Liste rouge française Oiseaux Nicheurs (2016) : En danger
  • Liste rouge Bretagne (2015) : En danger critique d’extinction
  • Liste rouge Pays de la Loire (2014) : En danger critique d’extinction
  • Liste rouge Région Centre (2013) : En danger
  • Liste rouge Normandie (2014) : En danger critique d’extinction (Basse Normandie)
Femelle de Pic cendré (Picus canus) – Forêt de Bercé (72) Mars 2014 (Hugo Touzé ©)

Le Pic cendré est réparti de la Touraine à l’ouest de l’Oural, la France constitue la limite occidentale de son aire de répartition. La sous-espèce nominale est présente en France principalement dans les régions de plaines et de collines. Cette espèce discrète et méconnue a des affinités forestières et sa présence est liée à la disponibilité en bois mort ou dépérissant des boisements de feuillus (notamment les futaies éclaircies dont la « Hêtraie cathédrale »), des ripisylves ou du bocage qu’il occupe. L’espèce fréquente préférentiellement les forêts décidues et les essences les plus appréciées sont le Hêtre commun (Fagus sylvatica), le Tremble (Populus tremula), le Charme (Carpinus betulus) et les Chênes (Quercus sp.) mais il peut aussi occuper des boisements de résineux lorsque les conditions climatiques lui sont favorables (principalement dans le nord de l’Europe).

Le mâle visite de nombreuses cavités avant de sélectionner celle qu’il aménagera pour la reproduction. La ponte, comprenant 8 œufs est déposée en mai (il n’y a pas de ponte de remplacement en cas d’échec). Les jeunes quittent la loge durant le mois de juin et restent encore quelques semaines dans les alentours immédiats de la loge. La dispersion des jeunes est estimée à 17 kilomètres en moyenne.

Jamais abondante, la répartition française de ce Pic encadre schématiquement le domaine biogéographique continental. Cette espèce sédentaire (pouvant toutefois être capable de rares déplacements notamment à la fin de la saison de nidification) montre actuellement un rapide et important déclin sur le territoire national tant sur les limites de son aire de répartition qu’au sein même de cette dernière. Ainsi, ce déclin est de l’ordre de 30% entre l’atlas des oiseaux nicheurs de France de 1985-1989 et le nouvel atlas publié en 2016.

Les possibles causes de cette tendance négative sont l’évolution des pratiques sylvicoles, notamment l’abaissement de l’âge d’exploitation, les enrésinements et la suppression des arbres morts ou sénescents. La fragmentation de son habitat (déforestation, destruction de haies, etc.) semble être défavorable à cette espèce qui souffre également de la compétition avec le Pic vert (Picus viridis). Enfin, la destruction et le retournement des prairies permanentes lui portent atteinte car l’espèce est volontiers myrmécophage. Le réchauffement climatique qui tend à étendre le climat océanique vers l’est pourrait également être une menace pour cette espèce d’affinités continentales.

Autrefois, bien réparti sur l’ouest de la France, le Pic cendré présente actuellement des effectifs très restreints (une seule population relictuelle encore établie actuellement) répartis dans les Pays de la Loire, en Région Centre ainsi qu’en Normandie. Le manque de connaissances précises sur son statut est lié à la discrétion de l’espèce, à son occupation de milieux peu fréquentés par bon nombre d’ornithologues, à la surface de son territoire (100 à 350 ha en période de reproduction s’élargissant en dehors de cette dernière) et au fait qu’il soit plus tardif (période de chant entre le début du mois de mars et la fin du mois d’avril) que les autres picidés. A noter, que l’espèce est assez lunatique et sa détection demande beaucoup de patience et de persévérance. De plus, sa raréfaction entraine une plus grande discrétion des individus.

Ayant débuté dès le début des années 1980, la régression du Pic cendré a été rapide entrainant notamment sa disparition de la Loire-Atlantique (dernières observations en mars 1995 en forêt de Juigné et le 28 avril 1998 au Lac de Grand-Lieu). Dans les autres départements de la région Pays de la Loire, l’espèce n’est plus présente que dans la Sarthe où quelques couples (10-15) subsistent dans le massif de Bercé, de très rares chanteurs isolés ont été également notés ces dernières années dans la forêt de Perseigne. Il est cependant possible compte-tenu du faible effort de prospection et des paramètres déjà évoqués précédemment que des couples passent inaperçus notamment dans des boisements tels Sillé-le-Guillaume ou Vibraye. Dans le département du Maine-et-Loire, les derniers contacts probants datent de 2010, notamment le 4 mars 2010 à Le Guédeniau (individu chanteur non vu) et le 19 juin 2009 dans le massif de La Breille-les-Pins. Une observation originale a également été réalisée le 12 janvier 2011 à Distré. L’espèce est actuellement considérée comme vraisemblablement disparue (Alain Fossé & Jean-Claude Beaudouin comm. pers.).

Dans la région Bretagne, l’espèce est éteinte et les dernières observations validées datent de 2010, la dernière concernant un mâle chanteur isolé le 5 juin 2010 en forêt de Villecartier (Emmanuel Chabot & Filipe Contim comm. pers.). Les boisements ayant fourni les dernières observations de l’espèce sont la forêt de Villecartier (2010), la forêt de St-Aubin-du-Cormier (2010), la forêt de Liffré (2010), la forêt des Rennes (2010), et la forêt de Fougères (2005). Les dernières photos de l’espèce faites en Bretagne (Forêt de Liffré) sont visibles à cette adresse : http://www.faune-bretagne.org/index.php?m_id=54&mid=9174

En Indre-et-Loire, l’espèce était mal connue et peu recherchée jusqu’à récemment, à partir de 2009 des recherches spécifiques (plus ou moins fructueuses) ont été mises en œuvre (Benjamin Griard comm. pers.). Ainsi, l’espèce a été contactée dans plusieurs boisements dont les forêts de Château-la-Vallière et Preuilly-sur-Claise. En outre, le suivi spécifique mis en place par un observateur sur la Forêt de Loches a permis d’augmenter de façon très significative les connaissances sur l’espèce. La population nicheuse connue sur ce massif est ainsi passée de 2 à 12 couples (Michael Dubois comm. pers.).

En Normandie, l’espèce est devenue en quelques années extrêmement rare et seulement quelques rares données sont obtenues sur un même site du Perche par un seul observateur (James Jean-Baptiste comm. pers.). Il serait primordial et pertinent que des prospections spécifiques soient menées afin de chercher (et suivre) dans les forêts du Perche ce pic (estimation d’une quinzaine de couples incertaine). L’espèce semble localisée à l’interface entre des parcelles domaniales et des parcelles privées, non loin de ripisylves. Il est cependant vraisemblable que les pratiques sylvicoles actuelles (réduction des rotations d’exploitation) mettent à mal cette espèce au statut patrimonial très fort.

La très grande rareté de l’espèce justifie à elle seule (outre les confusions auditives possibles avec le plus commun Pic vert) la prise de photographie indispensables pour valider une observation en dehors des rares sites actuellement connus pour abriter des couples. Il arrive en effet fréquemment que des Pics verts répondent à la repasse du chant du Pic cendré et certains individus sont capables de produire des sons très proches de ceux émis par le Pic cendré.

 

Bibliographie :

Comolet-Tirman, J. (2000). Note sur le déclin alarmant du Pic cendré Picus canus dans le massif de Fontainebleau. Bulletin de l’Association des Naturalistes de la Vallée du Loing et du massif de Fontainebleau, 76 : 169-173.

Comolet-Tirman, J. (2013). Note sur la redécouverte en 2013 du Pic cendré, Picus canus, en forêt de Fontainebleau (Seine-et-Marne). Bulletin de l’Association des Naturalistes de la Vallée du Loing et du massif de Fontainebleau, 89 (3) : 93-94.

Comolet-Tirman, J. & Siblet, J.P. (2015), Pic-cendré, in Issa, N. & Muller, Y. coord. (2015). Atlas des oiseaux nicheurs de France métropolitaine. Nidification et présence hivernale. LPO / SEOF / MNHN. Delachaux et Niestlé, Paris.

Géroudet, P. (1973). Les passereaux, tome I : Du coucou aux corvidés. Delachaux et Niestlé. Neuchâtel, 235 p.

GOB (coord.), (2012). Atlas des oiseaux nicheurs de Bretagne. Groupe ornithologique breton, Bretagne Vivante-SEPNB, LPO 44, Groupe d’études ornithologiques des Côtes-d’Armor. Delachaux et Niestlé, 512 p.

Marchadour, B. (coord.), (2014). Oiseaux nicheurs des Pays de la Loire. Coordination régionale LPO Pays-de-la-Loire, Conseil régional des Pays de la Loire, 221 p.

Muller, Y. (2002). Recherches sur l’écologie des oiseaux forestiers des Vosges du Nord. VIII. Dénombrement des Picidés nicheurs d’une chênaie-pinède de 426 ha. Ciconia 26(1) : 29-39.

Recorbet, B. (coord.), (1993). Les oiseaux de Loire-Atlantique du XIXème siècle à nos jours. Groupe Ornithologique de Loire-Atlantique. Nantes. 285 p.

Villard, P. (1984). Les pics dans deux forêts de chênes pédonculés de la plaine de Saône. Le Jean-le-Blanc 23 : 27-44.

 

Rédaction : Hugo TOUZÉ